ECONOMIE IRLANDAISE

ECONOMIE IRLANDAISEL’Irlande n’a pas connu la Révolution industrielle et l’industrialisation intensive de la Grande-Bretagne au XIXe siècle. L’absence de matières premières comme le charbon et le fer fit que son économie fut très largement orientée vers le domaine agricole. 

Seule, la région autour de Belfast dans le Nord-Est du pays, où se développa l’industrie textile (notamment celle du lin) et, surtout, la construction navale, fit exception à cette règle de sorte que, dès le XIXe siècle, Belfast, d’un point de vue socio-économique, fut plus proche de Liverpool ou de Glasgow, que de Dublin. L’assimilation de l’Ulster dans l’économie industrielle britannique constitua un facteur clé qui alimenta les réflexes unionistes de sa population. Pour les industriels (protestants) de cette région, l’autonomie irlandaise risquait en effet d’entraîner la perte du marché impérial (ouvert à l’Irlande depuis l’Union législative de 1800) et l’effondrement de l’industrie locale, du fait des barrières protectionnistes que n’aurait pas manqué d’imposer un gouvernement nationaliste à Dublin. 

Les nationalistes eurent une autre lecture de la situation économique de l’île. Selon eux, l’orientation agricole de l’économie irlandaise avait été artificiellement entretenue afin de répondre à la logique des concepteurs de l’Union : l’Irlande, consommatrice des produits industriels britanniques, devait se spécialiser dans la production de denrées alimentaires pour les populations urbaines de l’île voisine. Le projet de certains nationalistes, notamment ceux du Sinn Féin, préconisa justement l’industrialisation progressive du pays et l’évolution d’une économie équilibrée, condition sine qua non selon eux de l’indépendance. 

Après la Partition (et la «perte» des comtés industrialisés du Nord-Est), le Sud tenta de remédier à la faiblesse de sa base industrielle en adoptant une politique protectionniste. Cette stratégie, qui fut dictée dans une très large mesure par le besoin de la République d’Irlande de s’affirmer face à l’ancien pouvoir colonial, ne fut définitivement abandonnée qu’à la fin des années 1950, véritable point de rupture en termes de politique économique. La nouvelle orthodoxie, placée sous le signe de l’ouverture, entendit favoriser la mise en place d’un environnement fiscal susceptible d’attirer l’investissement étranger dans les domaines, notamment, de l’électronique et des industries pharmaceutiques et d’équipement. Les gouvernements successifs menèrent une politique de longue haleine destinée à favoriser l’éducation (encourageant les matières scientifiques et technologiques) et l’amélioration de l’infrastructure. Ce dernier secteur reçut une impulsion considérable dans les années 1980 grâce aux fonds européens. 

C’est au milieu des années 1990 que l’on vit apparaître les fruits de cette stratégie. Le succès fut tellement foudroyant que l’on a pu qualifier l’économie irlandaise de «Tigre celtique». Caractérisée par un taux de croissance du PIB très élevé (dépassant la barre de 10 % en 2000) et un taux de chômage en baisse constante (12,3 % en mars 1995, 3,6 % en avril 2001), l’économie irlandaise est parmi les plus performantes du monde. Le PNB est passé de 46.503 millions d’euros en 1994 à 87.677 millions en 1999, le PNB par habitant passant de 12.968 euros à 23.411 euros pendant la même période. 

Si elle a perdu sa prédominance passée, l’agriculture reste toujours un secteur très important de l’économie irlandaise. En 1999, 11,8 % de la population active travaillait dans l’agro-alimentaire, secteur qui représentait 10 % des exportations. Mais, d’autres secteurs traditionnels, tels la pêche ou le bois, ont été dépassés par des industries consacrées à la production pharmaceutique ou chimique, et, plus récemment, par les «nouvelles industries» des NTIC (informatique et télécommunications). Ainsi, alors que 6.000 personnes sont employées dans l’industrie de la pêche (1999), 20.000 travaillent dans la seule fabrication de logiciels, dont l’Irlande est désormais le premier producteur mondial. Le pays est également devenu un important centre de téléservices desservant l’ensemble de l’Europe. Enfin, le tourisme constitue une autre source de revenus en pleine expansion, le total de touristes étrangers étant passé de 3,6 millions par an en 1994 à 6 millions en 1999. 

On notera enfin une évolution dans le domaine des échanges commerciaux qui reflète les changements dans les relations que l’Irlande entretient avec son voisin britannique. En ce qui concerne les importations (2000), le Royaume-Uni maintient sa position comme partenaire privilégié (34 %), dépassant très largement le reste de l’Europe (20 %) et les États-Unis (16 %). En revanche, pour les exportations, le Royaume-Uni n’est plus le premier partenaire de l’Irlande. S’il représente toujours 22 %, c’est vers les autres pays de l’Union européenne que vont aujourd’hui 45 % des exportations irlandaises contre 14 % vers les États-Unis. 

Bien que l’Irlande soit devenue une des économies phare de l’Europe, il faut cependant se rappeler qu’environ 50 % de sa production industrielle et 75 % de ses exportations industrielles proviennent d’entreprises à capitaux étrangers, situation quelque peu paradoxale étant donné le désir initial des fondateurs de l’État de voir apparaître une «Irlande irlandaise»…