LEONARD de VINCI

 ( 1452-1519 )

Léonard de Vinci fait partie de ces figures dont l’universalité du génie dépasse l’entendement. Il faut reconnaître qu’il n’y a guère qu’à cette époque qu’il est humainement possible de rassembler chez un seul individu autant d’aptitudes diverses, et ce au plus haut niveau. Aujourd’hui, la diversité des techniques et l’étendue des connaissances sont telles qu’un tel phénomène est inconcevable. De Vinci fut peintre à l’origine, mais il se révéla aussi grand savant que grand artiste, il entrevit les lois de la mécanique, et anticipa les voies de la science actuelle sur la géologie, la botanique, le vol des avions, la marche des sous-marins. Ce personnage suscite de l’admiration, mais aussi des reproches, et sa personnalité est telle qu’elle se trouve de bonne heure colorée par la légende. Léonard de Vinci naquit en Toscane en 1452, dans le petit bourg dont il porte le nom, non loin de Florence. Il était le fils illégitime d’un notaire ser Piero, et d’une paysanne, Caterina. Léonard reçu une éducation soignée, notamment en grammaire et calcul, avant d’aller en 1467 à Florence dans l’atelier de Verrochio, où il acquit une formation pluridisciplinaire (peinture, sculpture, travaux de décoration). C’est de cette époque que datent ses premières toiles, comme par exemple « l’Adoration des Mages ».A la fin de 1481, Léonard quitta Florence pour Milan, où il était attiré par le projet de participer à un monument équestre géant du duc Sforza, dit « Il Cavallo » .
Il resta à Milan jusqu’en 1499 ; il y régnait un climat favorable où tous ses dons pouvaient s’épanouir. C’est de cette époque que date la célèbre « Vierge aux rochers », conservée au musée du Louvre, qui était une commande de la confrérie de l’Immaculée Conception à San Francesco Grande. Il se consacra, de manière parallèle, à une somme impressionnante d’activités diverses : divers projets architecturaux pour la cathédrale de Milan et celle de Pavie, décors de théâtre à scène tournante, conception de costumes pour des fêtes et des tournois, études d’urbanisme, d’hydraulique pour les canaux de Milan, observations géologiques… Il assistait de manière régulière à des réunions de mathématiciens, et, dans le même temps, mettait en place les prémices d’un « Traité de la peinture ».
 
Léonard devint peu à peu célèbre dans tout l’occident, et, en 1500, il se rendit à Mantoue à la demande d’Isabelle d’Este pour lui faire son portrait. Elle tenta en vain d’obtenir de lui d’autres oeuvres. A partir de 1506, il partagea son temps entre Milan où il fut au service des Français (plus spécialement de Charles d’Amboise), et Florence. C’est à Florence qu’il peignit « Mona Lisa » et la grande composition de « La Bataille d’Anghiari », jamais achevée. Léonard quitta définitivement Milan en 1513 lorsque la cité fut reprise par la coalition antifrançaise. Il fit ensuite un bref séjour à Rome au service de Giuliano de Medicis, frère de Léon X, mais il y supporta mal la concurrence de Raphaël et Michel-Ange, et accepta en 1516 l’invitation de François 1er, vainqueur à Marignan et arbitre de l’Italie. Il résida ensuite définitivement en France, à Amboise (au Clos Lucé précisément), où il fut nommé « premier peintre, ingénieur et architecte du roi ». A sa mort, en 1519, il légua l’ensemble de ses notes techniques à Francesco Melzi, son élève et compagnon fidèle, afin qu’elles fussent publiées et rendues utiles au plus grand nombre. Hélas, ceci ne fut réalisé que quatre siècles plus tard, et l’héritage intellectuel de Léonard est ainsi resté dans l’ombre pendant longtemps.
 
Le nombre d’oeuvres (fresques ou toiles) attribuées à Léonard de Vinci ne sont finalement pas si nombreuses, et parmi celles dont l’origine est formellement reconnue (une quinzaine au total), certaines ont vu leurs couleurs abîmées par le temps, et d’autres encore sont inachevées. Ses principales oeuvres sont « la Cène », fresque d’un couvent de Milan, et quelques tableaux comme « La Vierge aux rochers », « La Vierge, Saint Anne et l’enfant Jésus », le fameux portrait connu sous le nom de la « Joconde ». Dans toutes ces compositions, la figure humaine constitue le motif central.
 
Léonard De Vinci éleva au plus haut deux techniques picturales, qui, aux alentours de 1500, ont radicalement changé l’art de peindre. La première d’entre elles est le souci constant et de la composition géométrique à la fois gracieuse et scrupuleusement étudiée. La structure pyramidale, apparue avec « La Vierge aux Rocher », en est un exemple marquant. La deuxième technique dont Léonard de Vinci fut le maître est l’art dit du « clair-obscur » (ou « sfumato ») qui permet, par le jeu subtil des ombres et des lumières, baigner le sujet dans une atmosphère à la fois harmonieuse et mystérieuse.
 
L’oeuvre artistique de Léonard de Vinci s’enrichit également d’une somme impressionnante de dessins, croquis, esquisses, qui, bien davantage que les peintures, sont la vitrine des recherches inépuisables que leur auteur multipliait. On trouve ainsi des représentations très soignées d’instruments et de mécanismes, des croquis de scènes fantastiques, la célèbre « série des cataclysmes », des visages, des figures, exprimant tantôt la suavité, tantôt la tourmente, l’élégance ou l’horreur. Cette extraordinaire maîtrise de l’outil graphique explique comment Léonard de Vinci a pu s’aventurer si avant dans l’exploration de bien d’autres domaines ou techniques que la peinture. L’analyse scientifique du réel, la réflexion avant l’expérimentation sont les principes de base de la démarche de Vinci, qu’il manifesta aussi bien dans les arts que dans les sciences.
 
Plus qu’en tant que scientifique proprement dit, Léonard de Vinci a impressionné ses contemporains et les générations suivantes par son approche méthodique du savoir, du savoir apprendre, du savoir observer, du savoir analyser. La démarche qu’il déploya dans l’ensemble des activités qu’il abordait, aussi bien en art qu’en technique (les deux ne se distinguant d’ailleurs pas dans son esprit), procédait d’une accumulation préalable d’observations détaillées, de savoirs disséminés ça et là, qui tendait vers un surpassement de ce qui existait déjà, avec la perfection pour objectif. Bon nombre des croquis, notes et traités de Léonard de Vinci ne sont pas à proprement parler des trouvailles originales, mais sont le résultat de recherches effectuées dans un souci encyclopédique, avant l’heure.
 
Après la révélation des écrits de Léonard en 1882, il devint habituel de l’ériger en précurseur en bien des domaines. En physique et en astronomie, il traça les voies sur lesquelles s’engageront Copernic, Kepler, et Galilée pour l’étude de la gravitation, du scintillement des étoiles, et du mouvement. Il pressentit les lois de la mécanique des fluides ainsi que, en chimie, celles de la combustion et de la respiration. Au total, un grand nombre des découvertes de la science moderne sont anticipées dans les notes de Léonard, sous une forme balbutiante. Quant aux mathématiques, cette discipline revêtait un caractère particulier chez Léonard puisqu’elle était le ferment de toutes les autres.
 
Le recours insistant aux procédés mathématiques était une garantie de rationalité et l’unique moyen de s’assurer des principes stables dans les deux domaines de prédilection où Léonard entendit se « réaliser », la peinture et la mécanique. En mécanique, précisément, Léonard s’illustra en inventant un certain nombre de machines dont le principe est toujours en usage (notamment dans l’industrie textile). Des profusions de moulins, pompes, scies, marteaux mécaniques, appareils de transmission, horloges, sont analysées et remontées avec le détail de leurs organes dans d’admirables dessins.